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Pole Dance et questions sociétales

Peut être vous demandez vous pourquoi il me tenait tant à cœur de parler de l'origine de la pole alors que je ne suis pas moi même stripteaseuse ? Si mes premières profs venaient plus ou moins directement du milieu du strip, je partage avec elles une chose essentielle celle d'être : une femme ! Être une femme (ou du moins naître femme) implique un certain nombre d'attentes de la part de notre société, des « croyances », des idées reçues, sur ce que peuvent/doivent faire ou non les femmes (mais aussi les hommes). Toute cette démarche est donc bien évidemment indissociable de mon histoire personnelle et professionnelle. J'en exposerai brièvement une partie ici pour également mettre en avant certains discours et mécanismes pervers que l'on retrouve aussi dans la pole. 1. Mon histoire avec la pole. J'ai commencé à m'intéresser à la pole en 2008, j'avais alors 20 ans et comme beaucoup de jeunes filles, mon corps (de femme) était l'objet depuis déjà longtemps de toutes les attentions, des hommes comme des femmes.

Comme plus de 80% des femmes en France, j'ai fait l'expérience de la violence physique, verbale et sexuelle d'être une femme. Des remarques sur une poitrine qui s'est développée tôt, sur ma manière de m'habiller tantôt trop féminine ou trop masculine. Ma plus grande affinité avec les garçons n'a pas joué en ma faveur non plus, j'avais grandi dans un environnement relativement masculin. Alors au primaire, je jouais au foot avec les garçons, j'étais une des seules à le faire, j'en ai découvert les conséquences au collège, quand une certaine forme de jalousie a conduit aussi à du harcèlement par d'autres filles.

Un homme gratifiera aussi mon refus de ses avances par de nombreux coups de poings en pleine tête. Ce n'est pas tant mon refus qui l'avait frustré et généré sa violence, mais le fait que sa petite amie de l'époque l'avait appris. J'avais fait l'erreur d'en parler à une copine commune que nous avions, ma peine (en terme de sanction) fut double. Alors à 20 ans avec cette image que l'on a bousculé, chamboulée, salie, mise à mal,j'avais envie et besoin de me familiariser avec ce corps qui semble avoir appartenu aux autres avant de m'avoir appartenu à moi même. En 2008, je rêve de me sentir belle, sexy et féminine, certes à travers une féminité qu'on jugera consensuelle et établie par les hommes, mais c'est comme ça. Je tombe par hasard sur un reportage sur la pole à la TV, et là ça fait tilte dans mon cerveau. Mon premier cours ne sera pas à la hauteur de mes espérances ; car même si la pole n'avait pas autant cette lubie sportive aussi marquée à l'époque, je ne suis pas sportive pour un sou. J'ai une coordination motrice absolument abominable, mes escarpins me font mal aux pieds car je n'en porte jamais et je ne supporte pas de me voir en short, ni même en jupe d'ailleurs (ceux qui me connaissent maintenant vont rire). Cette première est difficile, physiquement (3 jours de courbatures) mais aussi psychologiquement quand tu as une bombe sexuelle comme Doris en tant que première prof, car la société nous conditionne à nous comparer. Je reviendrais à la pole en 2012 pour ne plus jamais m'en séparer.

A mes débuts, une amie déclarera suite à la publication d'une vidéo de moi faisant de la pole que je n'ai pas à partager cela sur les réseaux, que c'est indécent, que je manque de respect à mon corps et à moi même, que forcément les hommes approuvent (un ami était intervenu) puisque forcément ça les émoustille. Plus tard, alors que j'enseigne la pole et l'exotic de façon bien distincte dans mes cours, je fais l'objet de diffamation de la part d'autres femmes qui répanderont l'idée que mes cours sont pour les salopes, mais que leurs cours correspondent à la pole, la vraie. Il leur faudra d'ailleurs peu de temps pour commencer à leur tour à proposer des cours de sexy, mais de sexy soft comme on me l'expliquera. Si je vous parle de ces faits là, c'est pour mettre en avant une croyance qui me dérange depuis toujours : Il existerait deux catégories de femmes, les femmes biens qui se respectent et celles qui ne le font pas, qui ne mérite donc pas le respect. Cette évaluation reposant essentiellement sur un jugement de valeurs mais aussi sur de fausses croyances peuvent avoir des conséquences plus ou moins dramatiques. 2. La Pole et le Sexisme.


En lisant ce titre, vous avez probablement pensé à cette remarque beauf/naive (car elle peut l'être aussi) que font souvent les hommes hétéros quand ils apprennent que vous faites de la pole.

Alors oui on a souvent connu, le petit clin d'oeil, le regard lubrique, le « tu fais du strip ? » voire carrément pour les audacieux qui mettent la barre très haute, en lâchant sans gêne un petit « tu veux grimper sur ma barre ? » quand ils n'envoient pas directement une photo de leurs b***S... On vit dans une société où tout tourne encore un peu trop autour du plaisir de l'homme, alors forcément des femmes qui tournent autour d'un poteau...

Généralement, je souris et je dégaine mon 33cm … de tour de biceps et ça calme. Ça pourrait s'arrêter là parce qu'on s'imagine souvent que le sexisme est l'apanage des hommes mais comme j'ai pu vous le montrer à travers un bout de mon parcours et bien non ! Je n'ai pas d'études scientifiques à l'appui , mais je pense pouvoir dire sans trop me tromper que, à partir de données purement empiriques, les personnes qui jugent le plus les femmes qui font de la pole sont : les femmes. En rédigeant d'ailleurs cette partie, je suis tombée sur une étude de Demos qui a étudié le trolling mysogyne sur Twitter. Ils ont analysé 10 000 tweets sexistes, dont 12% contenait des menaces explicites de viols (quand même). Sur ces 10 000 messages, il en ressort que (vous me voyez venir) : 50% sont rédigés par des femmes. 8 des 10 comptes les plus injurieux et les plus abusifs à l'égard des femmes étaient tenus par des femmes. « Les femmes jugent avec violence » pour reprendre l'article de Terrafemina. On trouvera facilement partout sur le net des cas de harcèlement ayant parfois des issues dramatiques. Et cette violence envers les femmes par des femmes touchent le milieu de la pole de l'extérieur mais aussi de l'intérieur. a. Quand les femmes jugent les femmes qui font de la pole. « On intervient bien auprès des femmes immigrées et des prostituées, alors pourquoi pas dans un studio de pole dance ». Ces mots ont été prononcé dans mon studio, en 2016, par une présidente d'association en lien avec les cancers féminins, à laquelle j'avais proposé un projet caritatif : Donner bénévolement des cours de pole dance pour récolter des fonds et sensibiliser sur le cancer du sein. La formule relevait peut être seulement de la maladresse, mais quand on a étudié la psychologie et l'importance des mots, ça ne passe pas. Et dire que lorsqu'elle s'était présentée, elle avait trouvé de bon ton de préciser : Je suis féministe. Et bien merci Madame de défendre les femmes comme vous le faites, en les classant sur une échelle de valeur. Donc au delà des femmes respectables et non respectables femmes, on a chez les mauvaises femmes des plus mauvaises que les autres. Manque de bol à l'époque des féministes anglo saxonnes s'acharnent sur les pole danseuses à grand coups de slut shaming sur les réseaux. Alors avec mon petit cerveau on a fait une petite case rouge à l'époque dans laquelle on a mis les féministes. En faite lorsque l'on est une femme et que l'on fait de la pole, on pose socialement 2 problèmes : - Le premier relève de notre tenue sportive, qui s'apparente plus à un maillot de bain : notre corps est donc dénudé (parce que c'est nécessaire) et on le sait depuis la nuit des temps une femme pas très habillée et une « mauvaise femme ». La longueur des vêtements semblant être associée au niveau de respectabilité de la femme. Sujet tristement toujours d'actualité quand on voit les résultats du sondage ifop sur le non port du soutien gorge, où 25% des répondants estiment que : si les tétons se devinent et qu'il y a viol c'est quand même de sa faute. Dans les 25% des répondants, il y a des femmes ! - Le second relève de notre assimilation par méconnaissance au striptease parce que nous aussi on utilise une barre. Et puisqu'une femme sexuellement active ou supposément active est considérée comme une mauvaise femme, et bien voilà. On flirte un peu trop avec le diable aussi (et coucou la chasse aux sorcières). Si vous vous intéressés.es d'ailleurs toujours à la psychologie après mon petit bonus, sachez qu'une étude a montré qu'une femme sera jugée plus négativement, si on lui attribue un vingtaine de partenaires sexuels dans sa vie, (contre 1 ou 2 max), par les femmes, et ce même si elles sont elles mêmes plutôt libres sexuellement. Je vous ai pris des exemples un peu marquants, mais cela se retrouve aussi dans de nombreuses remarques un peu anodines, comme « j'adore ce que tu fais, mais je ne montrerais pas tes vidéos à mon mec », « mais tu postes ça sur les réseaux, tu n'as pas peur ? ». Insidieusement on rappelle à des femmes qu'il ne faut pas trop se montrer, qu'on les voit, qu'elles constituent potentiellement une menace (?) Victimes des stéréotypes, on pourrait imaginer que les pole danseuses auraient plutôt tendance à se serrer les coudes entre elles, et bien... pas forcément. b. Le sexisme dans le milieu de la pole. En commentaire d'une vidéo de pole par une pratiquante « oh c'est beau ce que tu fais pas comme celles qui dansent en talons et qui donne une mauvaise image de notre sport ». La dernière fois que j'en ai entendu parler de ce genre de commentaires, c'était par une de mes élèves qui l'avait lu sous une vidéo. C'était il y a quelques mois à peine (j'écris ce texte fin février 2021) au moment où maladroitement et sous l'influence de certains studios de pole ; Pleaser shoes, une marque de chaussures originellement utilisées par les stripteaseuses lance une section « pole fitness shoes » sur son site. C'est le bad buzz direct. J'y reviendrai. Cette idée de véhiculer une « mauvaise image de notre sport » ressort lorsqu'une femme portant des talons dansent de manière sexy avec ou sans pole même parfois.

La première fois où cela retiendra mon attention, c'est lorsque cette remarque sera faite sur une vidéo postée par Doris Arnold sur un groupe de pole français. Je suis consternée par : la violence du propos et le manque de culture !

Je prendrai une autre « claque » quand je découvrirais qu'après avoir posté une vidéo d'elle dansant en talons, Yvonne Smink a reçu des messages dans ce même « bon goût » : danser en talons, de façon sexy ,n'est pas une chose à faire, ce n'est pas donner une bonne image de la pole, de « notre sport » comme s'évertuent à le hurler des filles faisant de la pole depuis moins de 3 ans, c'est encore et toujours ramener la pole au strip.

Ces remarques seront aussi formulées au moment de la sortie du film Hustler/Queen, un film se déroulant dans le milieu du striptease, parlant de stripteaseuses... Certaines pole danseuses reprocheront au film de continuer à véhiculer une mauvaise image de la pole (je sais c'est incroyable). Et ce qui me gêne encore une fois, c'est l'utilisation des mots, parce qu'ils ont un sens et du poids. Lorsque l'on dit d'une fille qui danse de façon sexy avec la pole (hors cadre strip) qu'elle renvoie une mauvaise image du sport, ça sous entend que le striptease est une mauvaise chose, et donc que les stripteaseuses sont des « mauvaises » femmes. Encore et toujours ces femmes respectables et celles qui ne le méritent pas. Si une pole danseuse en talons renvoie une mauvaise image de la pole comparativement à une autre qui n'en mettrait pas.

Que devenons nous alors penser des femmes qui portent des robes et des jupes comparativement à celles qui portent des pantalons ? Sont elles moins respectables ?

Ou formuler autrement : est ce qu'elle l'auront finalement bien mérité leurs viols ? Car oui derrière cette idée de respectabilité de la femme, il y a celle de la culture du viol.

J'avais évoqué précédemment le hashtag #notastripper, peut être l'avez vous utilisez innocemment par le passé, il était particulièrement à la mode il y a quelques années. (et si je l'ai utilisé par le passé je m'en excuse). Ce hashtag regroupe actuellement 6,6millions de publications et a été une forme d'outrage pour beaucoup de stripteaseuses. Pourquoi ?

Parce que derrière ce #notastripper, il y a cette volonté folle de séparer la pole de ses origines : le striptease. Qu'à travers ce hashtag, on renforce une stigmatisation déjà marquée dans toute la société des stripteaseuses mais plus généralement des travailleurs du sexe (TDS).


Après la libération sexuelle et l'avènement de l'industrie de la pornographie, ces personnes se confrontent à la criminalisation de leurs métiers, à une marginalisation et une précarisation toujours plus importantes qui sont d'autant plus renforcées ces dernières années avec différentes lois contre ses travailleurs ou plus récemment les nouvelles réglementations d'instragram privant de visibilité des professionnels qui n'ont plus la possibilité de travailler à cause du covid. Nous pouvons également tristement ajouter la volonté actuelle de certains politiciens anglais de fermer définitivement et interdire les clubs de strip.

Ce hashtag, ces discours stigmatisant et cette obsession de sortir le strip de la pole sont un drame dans une communauté qui se dit inclusive mais où l'on exclut celles qui en sont à l'origine.

Nous ne semblons pas être capable d'expliquer que bien que la pole viennent du strip, elle s'est transformée en quelque chose de différent. Parce que même si parfois on danse de manière sexy ou pas, lorsque l'on fait de la pole, on ne se dénude pas devant un public (masculin) contre de l'argent, lorsque l'on pratique la pole c'est un loisir et non un travail (sauf pour les profs). La Pole dance est quelque chose de différent du striptease mais qui en est issue, s'en est nourrie et inspirée. Sans les stripteaseuses, la pole n'existerait pas. Ses femmes ont influencé une partie de ce que je suis maintenant, c'est à dire une femme qui s'engage pour que toutes les femmes (et les hommes) puissent avoir une place, c'est aussi grâce à elles, que je peux faire ce travail fabuleux qu'est être professeure de pole dance, c'est en m'inspirant d'elles que je peux me sentir sexy en dehors d'une approbation masculine, ne pas avoir honte de mon corps, et la moindre des choses c'est au moins de le dire et de le transmettre.

3. La pole, le genre et la discrimination.

Cette stigmatisation atteindra un paroxysme autour de 2016. Phillip Deal est banni d'une compétition de Pole pour le motif suivant : C'est un travailleur du sexe. L'histoire ira même malheureusement un peu plus loin ; suite à cette révélation (être un TDS), il sera « moqué » par l'organisation de la compétition, notamment à travers la diffusion de vidéos. En effet, à une époque qui ne semble malheureusement pas encore révolue partout exercer comme TDS vous fermait la porte à des compétitions sportives de pole. On m'a récemment signalé encore des compétitions de pole/exotic, refusant les strip teaseurs.ses. Phillip Deal est également un exemple intéressant pour moi car il me permet aussi de parler des « oubliés » de la pole : les hommes. La pole est donc un sport accessible à tous et à toutes, enfin pas partout. Des studios de pole dance refusent les hommes ! Comprenez bien que je parle d'hommes qui souhaitent pratiquer la pole pas juste mater. Un de mes élèves, un jour de passage dans une ville, souhaite s'inscrire pour un cours, on le refuse. Les hommes ne sont pas admis. Rien ne semblait pourtant indiquer sur la communication du studio que les hommes ne sont pas les bienvenus. Il existe pourtant des clubs fitness exclusivement féminin pourquoi pas, mais c'est clairement indiqué. J'ai voulu comprendre pourquoi à l'époque en posant la question sur la FPDC. Si certaines estimaient préférer rester entre femmes, que certaines profs ne se sentaient pas forcément à l'aise pour enseigner à des hommes, on m'a aussi expliqué le refus de la présence des hommes en cours parce que ça gênerait les femmes, qu'elles auraient peur d'être matté.

On attribue donc par défaut aux hommes, parce qu'ils sont des hommes, de mauvaises intentions et des intentions sexuelles, dans le cadre d'une inscription pour un cours de pole ! Alors que nous avons de nombreuses marques de vêtements de pole pour nous équiper, les tenues « hommes » sont quasiment inexistantes, un homme qui vient à la pole est un homme en sous vêtement, (au mieux maillot de bain) seul devant des femmes inconnues pour un cours de danse. Et ce sont les femmes qui ont peur d'être mal à l'aise...

Et je reçois encore aujourd'hui, à l'heure de la « démocratisation » de la pole, des mails d'hommes me demandant si mon studio les accepterait. Oui ! Et heureusement je ne suis pas la seule, et nous avons aussi la chance d'avoir de fabuleux enseignants. Mais pourquoi si peu d'hommes (en France), pratiquent la pole ? En dehors de ces refus qui semblent heureusement minoritaires, cette faible présence des hommes dans la pole est en partie due (encore une fois) à notre culture et aux représentations de genre.

Dans notre société, un homme qui danse n'est pas un homme viril (et pourtant...).


La danse est un objet fondamentalement culturel qui ne revêt pas les mêmes fonctions sociétales d'un pays à l'autre. Si en France nous sommes principalement issue d'une tradition classique, ayant principalement une fonction esthétique, d'autres pays accordent à la danse une fonction sociétale ou politique. Le haka en est un bon exemple.

La pole est donc l'objet aussi de cet apriori d'autant plus renforcé par les préjugés concernant la discipline. Il peut être cependant intéressant de s'interroger en tant que profs de pole et gérants de studio sur la place que l'on a à offrir au public masculin.

Sous ce terme de « place », je pense notamment à notre manière de communiquer via nos site internet et les réseaux sociaux où nous utilisons parfois un langage trop féminisé « se réconcilier avec sa féminité » « se sentir plus féminine » … qui laisse difficilement présager la mixité d'un cours.

Il en est de même pour les messages généralistes postés sur facebook qui par défaut commence parfois par un « bonjour les filles » alors que le genre a finalement peu d'importance dans le contenu du message. On peut également se questionner sur la charte graphique et la décoration de nos studios qui renvoient aussi très souvent une forte connotation féminine (par le choix des couleurs ou des représentations visuelles utilisées) qui sont autant de facteurs pouvant décourager les hommes. Enfin et pour terminer cette partie, dont la question du genre était le fil conducteur, on pourrait également s'interroger sur la place des transgenres et non binaires notamment dans les compétitions. En effet, les compétitions sportives s'organisent autour du genre (biologique) des individus et conduit donc à de nombreux débats actuellement.

A l'occasion de mes recherches sur le règlement des compétitions, j'ai pu noté que le règlement de PSO intègre un article pour les personnes transgenres précisant que : les personnes peuvent concourir dans le genre dans lequel ils.elles vivent actuellement et dans lequel ils.elles. sont le plus souvent identifié.es. Cependant, Noepoles (sur instagram) a posté plusieurs vidéos expliquant les échanges lors de son inscription à une compétition de pole cette année (2021) se disant transgender friendly. Bien qu'il semblait possible de s'inscrire dans le genre choisi, les organisateurs lui ont demandé de fournir son passeport pour justifier son genre et puisqu'il n'était ni mentionner homme ou femme sur celui ci, les organisateurs ont demandé à avoir... L'acte de naissance. Voilà.

4. Pole dance et appropriation culturelle.

Novembre 2020, Pleaser shoes (marque de chaussures à talons) lance sur son site une section « Pole fitness shoes » répertoriant plusieurs modèles de chaussures à talons. L'info circule rapidement sur instragram et comme évoqué précédemment, c'est un flop total, un appel au boycott est lancé. En effet, pleaser shoes est une marque indissociable du milieu du striptease, BDSM etc. Leurs chaussures bénéficient également d'une énorme popularité dans le milieu de la pole, enfin plus précisément dans l'exotic. Oui mais voilà, sous l'influence de certains studios de pole, Pleaser crée cette nouvelle catégorie et ça ne passe pas à cause de ce que l'on pourrait rapprocher de l'appropriation culturelle. Nous l'avons vu précédemment, les stripteaseuses qui sont aussi les pionneres dans le développement de la pole, souffrent déjà d'une stigmatisation importante.

Une partie de cette culture strip est détournée/réexploitée au profit du développement de l'exotic dance qui est devenu un véritable business qui ne profite pas forcément aux stripteaseuses. N'oublions pas qu'elles subissent la stigmatisation de certaines pratiquantes d'exotic qui ne veulent pas être associées au strip alors qu'elles en utilisent de nombreux codes. Cette section « pole fitness shoes » est alors un peu la goutte d'eau qui fait déborder le vase, d'autant plus que les choix des femmes mis en avant est tout à fait discutable (Femmes blanches, plutot minces …) Pleaser s'excusera de sa maladresse expliquant qu'il s'agissait d'une requête formulée par des studios de pole pour permettre de trouver plus facilement les modèles, mais le mal est fait. Une fois de plus les stripteaseuses sont spoliées.


J'évoquais également dans le paragraphe consacré à l'exotic, le fait que son utilisation était un abus de langage, mais il soulève aussi un autre problème. Le terme exotic dance vient des USA où il correspond à striptease. Il est donc faux de l'utiliser pour des cours chorés en talons dans un studio de pole. De plus, l'utilisation massive de celui ci diminue considérablement la visibilité des stripteaseuses sur les réseaux sociaux. Mais ce terme d'exotic pose un autre problème. En étudiant l'histoire du strip et de la pole, j'ai compris d'où venait ce terme. Ce terme d'exotic dancer est apparu fin 19éme début 20ème pour qualifier les danseuses venues "d'ailleurs." Comprenez qu'à l'époque ont été qualifiées d'exotic des femmes qui n'étaient pas blanches et qui ne dansaient pas dans la tradition classique si chère à la culture occidentale, mais selon leurs traditions à elles. Ce sont également ces danseuses qui auront permis à de nombreux directeurs de cirque de s'enrichir dans les carnival fairs. L'exotisme de la danse est fatalement et par glissement associé à l'érotisme, correspondant au fantasme occidentale de la femme indigène représentée souvent nue, dans une danse estimée sexuelle par un regard étranger. Derrière ce terme qui peut vous sembler anodin, il y a finalement le fardeau du colonialisme et du racisme. Aux Etat Unis encore de nos jours, seront qualifiés d'exotic des personnes non blanches. C'est donc en connaissance de ce contexte que plusieurs personnalités de la pole (Nadia Sharif, Gemma, Kitty Velour...) invitèrent il y a quelques mois à la réflexion autour des thèmes suivants :

Comment pouvons nous adapter le mieux possible nos discours sur les réseaux mais également dans le milieu de la pole, pour avoir des termes au plus proche de la réalité et faire disparaître les stigmates de l'exploitation de minorités ethniques pour la gloire du colonialisme. Rappelons qu'à l 'époque des spectacles forains, il y avait bien souvent des hommes (blancs?) qui s'enrichissaient et surement bien plus que les artistes avec les sideshows. Dans la mesure où les cours d'exotic tels que nous les donnons dans les studios de pole n'ont absolument rien à voir avec le striptease moderne, quel intérêt avons nous à continuer de l'utiliser ? Quel nom serait une meilleure représentation des cours que nous pouvons donner maintenant dans les studios de pole ? Est il possible encore d'un point de vue "commercial" de modifier un intitulé de danse, concernant également des formations professionnelles, des compétitions internationales, peut on se passer de ce terme tout en connaissant l'histoire de la pole ? Même si la stigmatisation et les questions raciales semblent moins "importantes" dans le milieu de la pole en France, il me semble important a minima d'informer car nous sommes avant tout une discipline issue et tournée vers l'international. A travers ce chapitre, nous avons vu à quel point la stigmatisation touchait particulièrement le milieu de la pole ; parce que les gens extérieurs à ce milieu ont une idée préconçue du striptease qu'ils associent facilement à la pole car on en partage certains éléments.

Mais cette stigmatisation opère aussi au sein de la pole.


Dans une « communauté » qui se veut inclusive et défend l'idée d'un sport accessible à tous.tes, on se rend malheureusement compte qu'il y a des intégrations qui ne sont pas forcément facilitée comme celle des hommes, des trans/non binaire,... Mais aussi qu'il y a consciemment ou non une « purge » des stripteaseuses d'un milieu qu'elles ont commencé à démocratiser, où leur implication et leur influence est bafouée.

C'est d'ailleurs l'une des critiques qui sera apportée au documentaire netflix « Strip Down, Rise Up » où la culture strip est bien présente. Les danses sensuelles étant le fond de commerce et le business de Sheila Kelley, qui, rappelons le, est tombée amoureuse de la « barre » en jouant le rôle d'une stripteaseuse dans le film Dancing at the blue Iguana. Mais voilà, une fois de plus le strip est tû, comme le signale Allyssa, stripteaseuse pro qui a fait partie du tournage. Ce manque de reconnaissance est devenue d'autant plus difficile à l'heure où les TDS se retrouvent dans une plus grande précarité et sont progressivement effacés des réseaux sociaux (shadowban sur instagram, suppression de compte sur Tik tok, censure de comptes,...). Evoquer des faits marquants de discrimination dans le milieu de la pole que ce soit dans mon parcours personnel ou touchant d'autres personnes mentionnées ici, ne visent en aucun cas à blamer les personnes responsables; nous pouvons tous être amenés à faire des erreurs, mais ces erreurs doivent pouvoir être aussi un moyen de s'éduquer soi même, mais également les autres. Mon role d'enseignante, ne se limite pas à apprendre à mes élèves comment réaliser tel ou tel tricks/combos, mais également à leur transmettre, une histoire (la véritable), une culture, des éléments clés (bons comme mauvais) pour les inscrire dans celle ci, mais aussi dans le présent et dans l'avenir de la discipline. Enseigner, c'est aussi les aider à trouver leur propre voie/voix dans cet art qui peut permettre à chacun.e d'y exprimer ce qu'ils souhaitent dans son originalité, son extravagance, sa sensibilité, son animalité, sa diversité, son humanité, ses différences. C'est créer un espace de création et d'expression bienveillant, dans un environnement qui peut parfois être hostile. Enseigner c'est donner des clés pour s'ouvrir soi même et s'ouvrir aux autres, C'est pour toutes ces raisons que je fais aussi ce travail de recherche ... Sinon je ne serais seulement qu'une simple vendeuse de cours de pole.

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