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La pole : une discipline aux multiples visages.


I. La Pole et ses multiples facettes. Maintenant que nous avons rendu aux stripteaseuses, ce qui appartient aux stripteaseuses, voyons comment la pole dance s'est progressivement transformée pour devenir ce que nous connaissons ou ce que vous ne connaissez pas sur elle (si vous êtes néophyte). La Pole Dance est donc une discipline sportive/artistique consistant à réaliser des enchaînements acrobatiques sur une barre verticale en métal où l'adhérence est assurée par la peau (c'est pour cela que l'on est pas très habillés.)

Elle est pratiquée par des hommes (oui oui) et des femmes de tous âges et de toutes morphologies, des enfants, mais aussi des personnes présentant un handicap. C'est ce qui en fait une discipline accessible à tous. Je vous laisserai quelques vidéos à la fin. Nous l'avons vu dans la première partie, la pole ne serait pas sortie des clubs de strip moderne sans les stripteaseuses. Ce sont elles mêmes qui souhaitaient rendre cette discipline accessible à toutes (dans un premier temps).

Des vestiges de cette héritage « sulfureux » traverseront malgré tout le temps.

Entre de 2006-2010, les cours de pole se font donc en talons. Après un échauffement, on enfile sa paire d'escarpins et on s'attaque aux figures. On finit pieds nus souvent parce que l'on a pas l'habitude d'en porter (c'était mon cas en 2009) et qu'un escarpin n'a pas le confort qu'une paire de pleaser (ces talons hauts à plateformes que l'on porte pour danser). Progressivement la volonté de démontrer que la pole est un « sport sérieux » fera disparaître les talons des salles. Si en 2009, à la Compétition Française de Pole Dance plusieurs femmes ont présenté leurs chorégraphies en talons, cet accessoire deviendra par la suite une rare exception sur scène ( Cyd Sailor).



Cyd Sailor - Compétition française.

Pourtant, un argument commercial semble ne pas avoir quitté encore tous les studios/écoles de pole : celui de la féminité, du glamour, … En effet à coté des cours de « pole fitness », des cours de pole choré, on retrouve bien souvent de l'exotic dance. 1. La pole fitness ou pole sport. La/le pole sport est l'aspect qui depuis quelques années est le plus prédominant à l'international. Les talons ont été rangés, les cours se font pieds nus et les figures, enchaînements deviennent de plus en plus compliqués, extrêmes, impressionnants, notamment avec les influences du cirque et de la gym. Un bon exemple est celui de l'arrivée des saltos et des flips à la pole. La performance physique est donc l'élément principal.

Cette reconnaissance comme sport que certains voudraient olympique a été initié par KT Coates qui depuis des années mène un combat pour cela. Elle est notamment co créatrice de l'IPSF (Internationale Pole Sport Federation) qui propose des championnats du monde.


La compétition dispose aussi d'une version battle, para pole pour les personnes présentant un handicap, et artistique (qui doit répondre aux critères IPSF). D'autres compétitions associées à d'autres fédérations suivent totalement ou en partie la ligne « gymnique » IPSF comme les compétitions POSA, PSO, ou encore le championnat de France. IPSF Oona Kivela - Senior femme (2014) https://www.youtube.com/watch?v=OV-Hc49Z9yA IPSF Slava Ruza - Senior homme (2018) https://www.youtube.com/watch?v=5xW4REJvUjw

IPSF Olga Trifonova - Enfant (2013) https://www.youtube.com/watch?v=-FN0-WghkJw&t=109s IPSF Deb Roach - Para pole (2013) : https://www.youtube.com/watch?v=oEbg0huAYks 2. La Pole Artistique. La Pole artistique contrairement au pole fitness tend à mettre l'accent sur l'aspect artistique, dansé, en se nourrissant de différents types de danse. On peut y retrouver de la danse contemporaine, du break dance, de la danse classique, etc.

Dans cette branche de la pole, on recherche plutôt l'expression par le mouvement dans un but artistique, une recherche d'esthétique et parfois d'engagement. La Pole devient un art en intégrant un travail de costume, de mise en scène autour d'un thème. Même si les figures sur la pole sont présentes, elles peuvent en être parfois totalement absente.


Greta Pontarelli - Pole Art Italy


A l'image du pole sport, la pole artistique a aussi ses compétitions où l'aspect artistique prime comme par exemple Pole Art et Pole Theatre. Ces compétitions sont des sortes de franchises internationales qui s'organisent un peu partout dans le monde. Laurence Hilsum organisera le Pole Theatre Paris de 2014 à 2018. Pole theatre a la spécificité de regrouper au sein de la compétition 4 catégories : - Pole art : un style de danse doit être particulièrement représenté (Contempo, tribal fusion,...) - Pole comédie : la performance doit être comique - Pole Drama : la performance doit raconter une histoire clairement identifiable. - Pole classique : la performance doit rendre hommage au versant historique sexy de la pole (talons de rigueur!) Pole Theatre UK - Pole Art - Yvonne Smink : https://www.youtube.com/watch?v=oJ6eoXqqPRU&t=11s Pole Theatre Sidney Pole Drama - Camomille (performance sur la polution plastique) : https://www.youtube.com/watch?v=0mC_UjU7gg8 Pole Theatre Paris - Pole Comedy - Vane Lunatica : https://www.youtube.com/watch?v=MwT1ERjtB74 Pole Theatre Sydney - Pole Classic - Chris Talbot : https://www.youtube.com/watch?v=-M4G9-rdcvU Allegra Bird organisera de son coté Pole Art France de 2015 à 2018 et Mariana Baum la compétition Française de Pole à partir de 2009. La compétition Française est devenu le championnat de France depuis 2018. Pole Art - Dimitry Politov : https://www.youtube.com/watch?v=xmRQsSFl4CU Pole Art - Phoenix Kazree : https://www.youtube.com/watch?v=38Vai9fInEQ Pole Art - Yvonne Smink et Vladimir Karachunov https://www.youtube.com/watch?v=2AwKCBr6gL8 Moins connue mais pourtant existante la compétition organisée en 2012 par Sophie Granjon à Montélimar qui aura vue sur scène les premiers exploits de plusieurs françaises renommées de la 1ère génération.

Vol en Pole et Transe en danse

A coté de ces compétitions, apparaissent depuis quelques années des shows consacrés à la pole ; « le Show perché » spectacle amateur qui inclut aussi l'aérien


, ou encore « Vol en Pole et Transe en danse », l'un des plus gros shows de pole organisé en France, créé par Manon Agard. Mariana Baum proposera aussi en 2017, le gala des champions. Parmi les shows étrangers dont la notoriété a traversé l'Atlantique nous pouvons citer, le « Pole Show LA ».


A coté de ces compétitions et spectacles, des compagnies se créent ou intègrent la pole à d'autres disciplines: la danse contemporaine pour Vivants Piliers crée par Maxime Joret et Vanessa Mantoan, le jongle récemment avec 2 TravAir, ou encore le théâtre avec la compagnie l'oeil de Pénélope et son nouveau spectacle « SANDRINE ou Comment écrire encore des spectacles quand on est féministe (et qu'on aime la pole dance) ». Nous pouvons aussi signaler le travail du danseur et chorégraphe Olivier Dubois et son spectacle « Révolution » en 2009. 11 poles et 11 femmes marchant inlassablement sur scène autour d'elles.


Lorsqu'elle n'est pas l'objet « central » d'un spectacle, la pole s'invite dans des cirques et cabarets, comme dans le Cabaret Décadent du Cirque Electrique, le Cabaret de Clara Morgane où performe Coralie Père, ou encore le spectacle Ohlalala qui s'est déroulé à Paris entre 2016 et 2018. Le Cirque du Soleil a également intégré dans plusieurs de ses spectacles des numéros de pole dance. La pole se retrouve également dans de nombreux médias tels que des films, des clips musicaux, des courts métrages, des livres. Nous y consacrerons une paragraphe.


3. « L'exotic dance » (et le qualificatif que tu veux avec). L'exotic dance est la 3ème facette de la pole contemporaine telle que nous la connaissons aujourd'hui. C'est toute la partie de la pole pratiquée avec des talons, comme « avant ».

Certains diront que j'ai gardé le meilleur pour la fin et ce n'est pas faux ; vous parler de l'exotic dance c'est effectivement le meilleur moyen d'ouvrir ensuite ce travail vers les questionnements qui m'intéressent sur les femmes, leurs corps, ce que notre société en dit, en pense, ce qu'elle « impose », mais aussi parler de slut shaming, de body shaming, d'appropriation culturelle,... et la liste pourrait être encore très longue. Mais d'abord talons et paillettes. L'exotic dance vient donc directement … du striptease moderne, car en effet « exotic dancer » est le terme usuel pour parler des stripteaseuses aux USA, celles qui travaillent dans les clubs. Il y a donc ici un premier abus de langage sur lequel je reviendrai un peu plus tard. Pour faciliter la compréhension gardez en tête que je ne parle pas forcément de striptease en club quand je parle d'exotic et de cours d'exotic Donc l'Exotic Dance est un style de danse qui se pratique avec des talons hauts (plateformes), on peut exécuter des enchaînements ou juste danser autour de la pole. Ce style est majoritairement féminin mais des hommes pratiquent également. Après tout Yanis Marshall nous met tous et toutes à l'amende coté danse en talons non ?

L'exotic a gagné en popularité ces dernières années et a vu le nombre de pratiquants et de compétitions exploser. Car oui il y a des compétitions exclusivement dédiées à cette discipline. L'exotic dance était pratiquée par une minorité en France jusqu'en 2013, il s'agissait de chorégraphies sexy, intégrant parfois le fait d'enlever une partie de ses vêtements inspirés du burlesque ou du striptease moderne. La représentante française de ce style est sans aucun doute Doris Arnold connue et reconnue internationalement. Doris Arnold : https://www.youtube.com/watch?v=BwviQkF4tUs Autour de 2012/2013 commence à arriver sur les réseaux, le style russe appelé aussi à tord Russian Exotic. Eva Bembo sera d'ailleurs l'une des premières à venir donner un workshop en France en novembre 2013 (j'y étais).

Eva Bembo (2013) https://www.youtube.com/watch?v=5YPNueXdMCk Si techniquement les mouvements de base sont les mêmes ( jeux de jambes, ondulations/body waves, déhanchés etc) la différence à cette époque réside probablement uniquement dans la mise en scène. Les russes « touchent moins » leurs corps que dans la lignée « stripper style ». L'utilisation de la dubstep sera aussi emblématique de l'invasion russe. Et puisque les russes ont un certain culte de la discipline, de la gymnastique etc, le style va rapidement évoluer vers quelque chose de plus acrobatique, Olga Koda pourrait en être un exemple. Dans le même temps, un autre style se démarque qui sera ensuite appelé exotic flow, plus doux dans les enchainements, Daria Che et Sasha Meow en sont quelques références connues. Olga Koda : https://www.youtube.com/watch?v=CmOPPmg4AZY Daria Che : https://www.youtube.com/watch?v=Dqc_DW1e488 De cette diversification des styles naîtra notamment une compétition qui deviendra internationale très rapidement : Exotic Generation. La première édition russe ayant eu lieu en 2015 puis s'est ensuite exporté en italie, en Angleterre, aux USA, en Amérique Latine et en Asie. Elle sera organisée pour la première fois en France par Juliette Jak à Nice en 2019. Cette compétition contient principalement 3 catégories : Exotic Old School, Exotic Flow et Exotic Hard. D'autres catégories ont été ajoutées par la suite : homme, duo, new face etc.


Exotic Generation France 2019

Cette rapide transformation de l'exotic ne s'est pas malheureusement fait dans la douceur (et je ne parle pas que pour l'impact sur les genoux avec les nombreux « kip »). En effet si l'exotic russe est devenu un style à part entière et qui n'a plus rien d'exotic, sa promotion/défense s'est faite souvent malheureusement par le dénigrement des autres styles. Si la pole pratiquée en talons avaient encore (et a toujours) globalement mauvaise presse même au sein de la pole en général, le dénigrement a été d'autant plus fort dans l'exotic où, et il faut malheureusement le souligner, des femmes se sont estimées supérieures aux autres parce « qu'elles ne dansent pas comme des stripteaseuses elles ! ». Ironie du sort quand on danse en talons haut autour d'une barre venant des clubs de striptease. Pour ne pas finir cette partie sur une note trop négative, je voudrais raconter une petite anecdote illustrant les aprioris sur l'exotic dance mais également la prise de conscience de sa stigmatisation dans le milieu de la pole.

En 2017 sort le court métrage « Spin Dreams » dans laquelle on suit Anna Maija Nyman dans son quotidien d'athlète.

La vidéo commence par des plans dans un club de strip avec en voix off (pas la sienne) « ce n'est pas ce que je fais, ce que je fais est bien plus difficile, je ne fais ça pour personne d'autres que moi... » En 2020, sur Instagram, elle reviendra sur cette vidéo pour s'excuser. Elle indique entre autre que cette comparaison n'était pas nécessaire, qu'elle n'avait pas conscience à l'époque que le sujet pouvait être sensible parce qu'elle ne connaissait pas ce milieu. Elle rappelle également que les premières prof de pole étaient des stripteaseuses, qu'elles ont aussi inventé de nombreux mouvements et qu'on leur doit donc beaucoup. Elle écrit enfin que danser de façon sexy ne se limite pas à l'objectisation de la femme, mais que cela peut relever aussi du féminisme, de l'empowerment, et de la confiance en soi. C'est pas mal pour conclure non ? Et c'est le moment idéal pour ouvrir un nouveau chapitre, la pole et ce qu'elle vient interroger dans notre société actuelle.

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